Vous aurez compris que mes dernières semaines ont été très chargées... Je reviens avec quelques critiques, que je vous livrerai au compte-goutte en fonction de mes disponibilités de la journée. Je vous souhaite bien du plaisir !
J'ai fait des découvertes intéressantes et une assez bouleversante. Je vais d'ailleurs commencer par celle-là mais vous aurez sans doute tout aujourd'hui.


1. L'album

"Laurent tout seul" d'Anaïs Vaugelade, 1996 infos

En résumé : Laurent Lapin en a assez de ses jeux de bébé. C'est l'été, il est grand, il veut pouvoir aller jouer dehors. Sa maman lui recommande de ne pas dépasser la barrière.
Le soir, Laurent raconte sa journée et explique qu'i est allé jusqu'à la barrière...et même un peu plus loin. Sa maman lui recommande alors de ne pas dépasser le châtaignier dans le pré.
Le lendemain, Laurent Lapin s'aventure jusqu'au châtaignier... et juste un peu plus loin. Le soir, il annonce à sa maman que, le jour suivant, il ira jusqu'à la rivière. Après tout, il est grand maintenant.
La rivière est si belle que Laurent décide de partir en voyage. Après de longues journées de marche, de belles découvertes et quelques peurs, il s'établit dans la vallée et invite tous ses amis pour une fête. Il fabrique une invitation spéciale pour sa maman.
Après la fête, sa maman lui demande s'il est content. Il répond que oui, alors elle s'en retourne. Dans la nuit, arrive une lapine, qui voyage seule elle aussi. Laurent, à qui la solitude pèse également, lui propose de continuer ensemble. "D'accord, répond-elle, mais on continuera demain".

Age : De 4 à 7-8 ans.

Mon avis : D'un point de vue "visuel" (forme et esthétique), j'ai été tout a fait séduite par les illustrations. Les expressions du visage sur les lapins y sont finement représentées (frustration, joie, peur, timidité). C'est très émouvant ! Je considère cet album comme "une belle pièce", à pouvoir relire souvent, soit à acheter plutôt que de l'emprunter à la bibliothèque.

Sur le fond, j'adore cette explication métaphorique du passage de l'enfance à l'âge adulte. C'est clair, évident, semé d'embûches mais épanouissant pour la maman comme pour l'enfant. C'est une histoire vraie en quelque sorte, expliquant avec des mots et des images simples la clé de la réussite d'une vie. Les ingrédients en seraient une compréhension mutuelle, de la confiance, beaucoup d'attention, de la curiosité et de la patience. On en vient à avoir envie que ça se passe aussi bien pour nos enfants


2. Le roman enfants

"Comment éduquer ses parents" de Pete Johnson, 2005 bio

En résumé : Louis a une dizaine d'années et une passion pour la comédie. Il est assez doué pour raconter des blagues, faire le pitre et, dans l'ensemble, passe plus de temps à amuser la galerie qu'à faire ses devoirs. Ses parents suivent le mouvement, mi-agacés, mi-amusés. Mais suite à un déménagement, Louis se retrouve dans un quartier et un collège où l'amusement n'est pas de rigueur. Il semble que les parents du voisinage fassent un concours d'aptitude pour leur progéniture respective. C'est à qui donnera des cours de français (l'histoire se passe près de Londres), de poterie, d'éveil corporel, de musique, d'initiation à l'art, etc... pour que leurs enfants aient les meilleurs atouts, pour qu'ils soient toujours au top, qu'ils ne s'ennuient jamais... Entre Théo, son voisin et premier de classe qui frise la dépression nerveuse quand il n'a pas un A, et Maddy, comédienne amatrice espiègle qu'il a rencontrée lors d'un stage, Louis voit ses parents changer à une vitesse étonnante. Et sa vie devient un cauchemar : TV confisquée, sureveillance de ses devoirs et vérification quotidienne de son cartable. Sans parler du mépris récolté de la part de ses camarades de classe qui ne le trouvent pas sérieux.
Alors, Louis décide de prendre son destin en main. Bravant l'interdit parental, il se rend à une audition pour jeunes talents, aidé par Maddy qui, du haut de ses 12 ans, lui a proposé d'être son agent (elle est elle-même trop timide pour se lancer dans le métier ). louis s'embarque alors dans une série de mensonges, de devoirs bien faits "achetés" à Théo, d'altercations avec ses parents, jusqu'au jour ou ceux-ci, après une fugue de Louis, comprennent que son talent est réel et qu'il ne sera jamais heureux dans son collège d'élite.

Age : Le livre propose à partir de 10 ans, mon avis est qu'un enfant de 3e prmaire bon lecteur (8-9 ans) profitera très bien cette histoire. Jusque 12 ans environ.

Mon avis : L'histoire manque un peu de crédibilité. La fugue à Londres pour la deuxième audition, avec Maddy qui arrive à se faire passer pour sa mère, me laisse dubitative.
Mais le ton du livre est rythmé, le personnage de Louis armé de ses blagues est sympathique, et l'idée de base plaisante.
Vous l'aurez compris au fur et à mesure de mes critiques, les romans pour les enfants (6-10 ans) ne sont pas ma tasse de thé, ce sont les ouvrages qui m'arrochent le plus difficilement. Celui-ci n'échappe pas à la rêgle, cependant le message subliminal derrière les péripéties de Louis ne m'a pas laissée insensible.
En effet, il y a une certaine tendance chez les parents d'aujourd'hui à vouloir le bonheur de leurs enfants "à tout prix". Après l'école, on oblige les enfants à sauter d'un cours particulier à l'autre, sans leur laisser le temps de souffler un peu. L'intention des parents est louable, à savoir procurer à leurs enfants un maximum de clés pour l'avenir, afin qu'ils aient pu "toucher à tout", s'ouvrir au monde, s'éveiller un maximum.
Mais l'excès nuit en tout, et l'idée derrière la résistance de Louis est la suivante : les enfants ne sont ni des bêtes de foire ni des super-héros, ils n'ont pas besoin de tout cela. Il est nécessaire de s'ennuyer de temps à autre, de ne pas penser "performance" de 8h du matin à 6h du soir. Comme le dit Elliott (petit frère de Louis, 6 ans) en revenant de son cours extra-scolaire de français, à sa maman qui lui parle de ses devoirs : "Maman, tu peux m'expliquer quand j'aurai le temps de jouer un peu ?"


3. Le roman ados

"Pourquoi ? " de Moka, 2005 bio

En résumé : La famille de Wafa, 14 ans, est arrivée à Cherbourg il y a quelques années mais ses parents et surtout sa grand-mère restent entièrement ancrés dans les croyances ancestrales de la Somalie qu'ils ont quittée. Wafa a pour ambition de passer son brevet, ce que ses parents méprisent puisque sa place sera de rester à la maison et de donner beaucoup d'enfants à son mari (imposé bien sûr). Wafa sait qu'on lui promet pour époux son cousin Hassan.
Brusquement, elle décide de s'enfuir, vole les économies de sa famille (une centaine d'euros) et emmène avec elle sa soeur cadette, Makeda, 6 ans.
Rapidement, la famille s'affole, mais pour rien au monde ne prévient la police de ces disparitions. La grand-mère Nawal règne d'une main de fer sur toute la famille, versets du Coran et croyances ancestrales à l'appui. Ceux-ci dictent sa conduite mais aussi celle qu'elle impose à ses deux filles, leurs maris, et les enfants des deux couples.
A mesure que l'histoire avance, grâce aux interrogations des frères de Wafa et Makeda, on approfondit sa connaissance des caractères et histoires de chaque membre de la famille. Cela amène a comprendre que Wafa ne s'est pas enfuie pour éviter un mariage forcé, mais bien pour éviter à Makeda le supplice qu'elle a souffert à 6 ans, et les autres femmes de la famille avant elle : l'excision.
Après de multiples déboires dans la capitale, Wafa échoue dans un foyer de filles-mères. C'est là que son père vient la récupérer ainsi que Makeda. Wafa essaie de parler à son père, de lui expliquer le danger que court Makeda, de lui rappeler qu'en Somalie, l'excision a tué sa soeur aînée. Mais son père ne veut rien entendre.
L'excision, c'est une affaire de femmes, les hommes n'ont pas à s'en mêler, et si Raquiya est morte d'hémorragie quelques jours après avoir été excisée, c'est qu'Allah l'a voulu ainsi
Wafa rentre à la maison avec sa petite soeur, certaine à présent qu'elle ne pourra plus rien faire pour elle. Elle est d'ailleurs bouclée à double tour dans sa chambre dès son retour, tandis que des cadeaux attendent Makeda en prévision de sa "fête".
C'est finalement grâce au courage et à la révolte de leurs deux frères, dont les interrogations ont guidé le fil du récit, que Wafa et Makeda seront sauvées. Cali, l'aîné, effrayé par cette pratique barbare et dopé par le courage dont avait fait preuve Wafa en emmenant Makeda, décide d'agir. Il envoie son frère libérer Wafa de la chambre ou elle est enfermée, tandis qu'il va prévenir la police, qui arrive in extremis avant que Makeda soit excisée.

Age : A partir de 12 ans.

Mon avis : Du point de vue de la forme d'abord, rien à redire, la construction est intelligente, le style soigné, la trame imprévisible. Le sujet est traité avec froideur mais non sans indignation. Les personnages sont bien campés, l'histoire crédible. Tout ceci n'est pas étonnant quand on sait que Moka s'appelle en réalité Elvire...Murail, oui, la soeur de l'autre dont je vous ai parlé il y a quelques semaines. Il semble que le talent soit familial

Du point de vue interne maintenant, l'histoire en elle-même et la réalité dont l'auteur veut faire prendre conscience aux lecteurs, y a pas photo ! Autant vous le dire tout de suite, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps !
Ici je vais empiéter un peu sur mon rôle de critique pour lancer le débat et vous faire part de mon dégoût, car je n'ai pas tout expliqué dans le résumé.

Pour ceux qui l'ignoreraient, et un petit rappel pour les autres, la pratique de l'excision consiste à couper le clitoris d'une femme quand elle est encore enfant, afin de l'empêcher d'avoir du plaisir sexuel une fois adulte. C'est une pratique courante dans les populations noires musulmanes, mais il faut savoir que cette pratique est défendue par l'Islam. Elle remonte donc à des croyances africaines ancestrales et se pratique dans la clandestinité, puisqu'interdite par la religion. Souvent, c'est aussi interdit par la loi (cela dépend des pays, mais c'est évidemment le cas en Europe).
Dès lors, les conditions et les moyens d'excision sont excécrables, en plus de la barbarie de la chose. Dans le meilleur des cas, un couteau de cuisine est disponible. Sinon, tout objet tranchant fait l'affaire : tesson de bouteille, couvercle de boîte de conserve, etc.

Attendez, ce n'est que la première partie de l'histoire. En Somalie (et peut-être ailleurs), l'excision est couplée à l'infibulation, qui consiste à coudre les grandes lèvres afin de "verrouiller" l'entrée du vagin. Seul un minuscule orifice est laissé pour l'écoulement de l'urine. Donc, après ces deux interventions, la fille reste 15 jours avec les jambes attachées afin que la couture puisse commencer à cicatriser.
Plus l'infibulation est complète, plus la fille a de valeur au moment du mariage. Par conséquent, les femmes s'appliquent entre elles à infibuler leurs filles le "mieux" possible pour gagner de l'argent quand elles la vendront à leur futur mari. Je ne vous raconte pas la nuit de noces pour toutes ces filles.

Vous en voulez encore ? une fois que la femme mariée est enceinte, elle est à nouveau infibulée jusqu'à son accouchement... Et les familles sont nombreuses...
Pour terminer en beauté, selon mes sources (Science & Vie junior) il y a environ 130 MILLIONS de femmes excisées chaque année. Le chiffre est difficile à évaluer puisque la pratique est clandestine, mais quand même.

Si tout ceci vous a laissé de marbre, je n'ai plus qu'à aller me pendre mais cette situation semble sans issue car, même si on essayait de convaincre ces femmes que ce qu'elles font est contraire au bon sens, aux droits de l'homme et à la loi, elles ne le croiraient pas et considéreraient simplement qu'on les détourne de leur devoir.

Mais enfin b*** de m***, c'est quand même pas une invention divine, ce truc ! Comment est-ce que des humains ont pu inventer de telles tortures pour leurs semblables ??????