Le chauvinisme me tape sur le système. Je ne parle pas ici des rodomontades qu'on reproche si volontiers à nos voisins français, même si elles m'agacent aussi bien souvent, mais soyons honnêtes: les Belges n'ont rien à leur envier sur ce plan.
Entendons-nous: quand une heureuse initiative, une idée intéressante, un coup d'éclat quelconque émane de notre petit pays ou d'un de ses ressortissants, il est légitime de le souligner et de s'en réjouir, mais un minimum de retenue s'impose. Or, la retenue, ce n'est pas le fort des commentateurs sportifs, qui cultivent le parti pris d'une manière éhontée et jouent sur la fibre nationale avec une insistance qui devient vite ridicule, pour ne pas dire navrante, voire suspecte.
Je suis tombé hier sur une retransmission d'un match de tennis de table entre Jean-Michel Saive et Ahmed Ali Saleh. Les commentateurs faisaient de louables efforts pour varier la présentation des protagonistes, du moins dans le camp belge: ils disaient "Jean-Mi", "Jean-Michel", "Jean-Michel Saive" et même une fois "papy" (fait de la résistance). Pour la partie adverse, en revanche, l'originalité n'était plus de mise. J'ai manqué le début du match, mais par la suite, on n'a daigné prononcer son nom qu'une seule fois durant la partie et une autre après la victoire de notre héros de la raquette. Au début, c'était amusant de l'entendre appeler systématiquement "l'Egyptien", le "joueur égyptien" ou "son adversaire" (à notre Zan-Mi), comme si personne n'était fichu de savoir contre qui Saive jouait, mais à la longue une gêne s'installe et on se dit qu'il y a quelque chose d'insultant dans cette désinvolture. Il faut croire que le pauvre Ahmed Ali Saleh – je répète son nom à dessein, piètre réparation du dédain avec lequel il a été traité sur nos antennes –, le pauvre Ahmed, donc, était affligé d'une triple tare: primo, c'est un joueur peu connu (on aurait sûrement entendu son nom plus souvent s'il s'était appelé Waldner); deuzio, il a un nom exotique (Gatien, c'est quand même plus facile à prononcer... ce n'est pas du racisme, juste de la paresse, avec tous ces noms chinois qu'on est déjà forcés de retenir); troizio, il avait le malheur d'affronter notre gloire vieillissante et néanmoins nationale.