La conclusion de toute convention implique nécessairement l’application de règles légales et contractuelles.
Cependant, la passation d’une commande sur Internet pose la difficulté de savoir quelle seront justement ces règles légales et conditions contractuelles qui seront appliquées :
- Sont-ce les lois et règlements du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle ? ou
- Sont-ce les lois et règlements du pays dans lequel le destinataire du service (consommateur ou professionnel) a sa résidence habituelle ? ou
- Sont-ce les lois et règlements du lieu à partir duquel la commande a été passée ou a été exécutée ? ou
- Sont-ce les règles prévues par les conditions générales de vente ?... ?
Pour répondre à cette question, il convient avant toute chose de vérifier si les parties contractantes ont choisi la loi qui régira leurs relations contractuelles.
En effet, la Convention du 19.06.1980 (80/934/CEE) (Convention dite « ROME I ») sur la loi applicable (au sein de l’Union européenne) aux obligations contractuelles dispose en son article 3.1. que :
« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat ».
Autrement dit, des conditions générales de vente sont-elles applicables à la relation contractuelle, ou plus précisément, sont-elles opposables au destinataire de l’offre ?
1. Existence et opposabilité des conditions générales de vente :
En principe, pour entrer dans le champ contractuel, des conditions générales doivent, d’une part, être connues préalablement à la conclusion du contrat, et d’autre part, être acceptées de manière certaine.
Notons que la loi du 11.03.2003 sur certains aspects juridiques des services de la société de l'information (Moniteur Belge du 17.03.2003) (qui a transposé en droit belge la directive européenne du 08.06.2000 sur les aspects juridiques des services de la société de l'information, dite
« Directive sur le commerce électronique ») impose –en ses articles 8 à 12– la fourniture d’une série d’informations et la mise en place de dispositifs techniques visant à garantir la transparence du processus contractuel, en vue d’un consentement libre et éclairé.
Cependant, ces dispositions légales n’imposent pas la communication des conditions générales. Elles se limitent à dire que
« les clauses contractuelles et les conditions générales communiquées au destinataire doivent l’être d’une manière qui lui permette de les conserver et de les reproduire » (article 8, §2).
Ainsi, selon nous, si le prestataire est avisé de faire figurer sur chacune des pages du site un hyperlien visible renvoyant aux pages contenant les conditions générales, et s’il offre la possibilité au destinataire d’imprimer –après avoir marqué son adhésion en cliquant sur une rubrique
« j’accepte »– lesdites conditions ou de les enregistrer sur le disque dur de son ordinateur, ce seront les règles reprises sur ces conditions générales qui devront s’appliquer.
A titre d’exemple, ces clauses contractuelles peuvent traiter notamment des objets suivants :
- restriction de responsabilité du vendeur pour ce qui concerne les délais de livraison.
- restriction de responsabilité concernant les garanties fournies par le vendeur.
- sanction en cas de non-paiement dans les délais.
- réserve de propriété au vendeur en cas de non-paiement de la marchandise lorsque celle-ci a été emportée par l’acheteur.
- clause attributive de compétence juridictionnelle.
2. Absence de conditions générales de vente :
Si aucunes conditions générales n’ont été prévues par les parties –ou si elles ne sont tout simplement pas rentrées dans le champ contractuel à défaut d’en avoir pris connaissance ou de les avoir acceptées–, il conviendra alors de déterminer la qualité du destinataire du service : le destinataire est-il un professionnel ou un consommateur ?
2.1. Contrat conclu par des consommateurs :
L’article 2,f de la Directive susvisée sur le commerce électronique du 08.06.2000 (transposée en droit belge par la loi susvisée du 11.03.2003, définit un « consommateur » comme étant
« toute personne physique agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale »).
Si le destinataire du service répond à cette définition, alors c’est l’article 5.2 de la Convention susvisée du 19.06.1980 qui s’appliquera (rappelons-le pour les relations nouées au sein de l’Union européenne !).
Cet article 5 dispose que :
- 5.3. « Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s'ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article ».
- 5.2. « Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ».
Autrement dit, cette disposition légale prévoit que :
- d’une part, le contrat est régi par loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, et
- d’autre part, le consommateur est garanti de la protection à laquelle il est habitué dans son Etat de résidence, et ce, même si les conditions générales prévoient le contraire.
Citons à titre d’exemple en droit belge, les règles de protection visées dans :
- La loi du 14.07.1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur,
- La loi du 16.02.1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages,
- La loi du 01.09.2004 relative à la protection des consommateurs en cas de vente de biens de consommation,
- Etc.
Cependant, les principes susvisés ne s’appliquent que :
- « si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou
- si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou
- si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d'inciter le consommateur à conclure une vente » (article 5.2 de la Convention du 19.06.1980)
A défaut de respecter ces conditions, et partant, si les règles protectrices de l’article 5 de la Convention du 19.06.1980ne peuvent s’appliquer, il y aura lieu de se tourner vers l’article 4 de ladite Convention développé ci-après et selon lequel
« le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ».
2.2.. Contrat conclu entre professionnels :
Les contrats conclus entre professionnels sont quant à eux régis par l’article 4 la Directive susvisée sur le commerce électronique du 08.06.2000 qui consacre la méthode dite
« indiciaire ».
Cet article 4 dispose effectivement que
« Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays ».
Un tel critère peut cependant poser des difficultés.
C’est ainsi que cet article 4 poursuit par l’instauration de présomptions réfragables : on considérera que les « liens les plus étroits » sont présumés exister avec le pays
« où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale » (article 4, §2).
3. En conclusion :
En conclusion, il convient de noter que les Instances européennes ont adopté ce 17.06.2008 un Règlement (CE) n°593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I) (J.O. n°L177 du 04.07.2008, p.6) qui sera applicable à partir du 17.12.2009 pour les contrats conclus après cette date et qui remplacera donc la Convention susvisée dite « ROME I ».