28/10/2005 @ 07:56:08:
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Sans vouloir me vanter, les boniments, ça me connaît. Ce n'est pas pour rien que j'ai étudié pendant quatre ans l'art de la dialectique auprès de mon maître Lorenzo, qui vendait des spécialités italiennes sur le marché de Farciennes. Je sais trouver l'argument qui tue pour fourguer un pecorino tout desséché à une cliente qui s'est trompée d'échoppe et qui croit demander au fromager d'à-côté de quoi faire une fondue savoyarde.
Je crois bien que j'étais le seul à pouvoir nous tirer d'affaire. Ils avaient tous baissé les bras. C'était une scène d'apocalypse. Une épaisse vapeur emplissait la piscine. On n'y voyait plus rien. C'est à peine si je distinguais encore la forme avachie de Mauro contre la porte. Impossible de savoir ce que les autres étaient devenus. J'entendais autour de moi quelques gémissements douloureux et des clapotis bouillonnants qui me faisaient penser qu'ils avaient dû tomber à l'eau, ce qui n'avait rien d'étonnant dans cette atmosphère brumeuse.
Puisque j'avais réussi à capter l'attention de notre geôlier, il fallait que j'en profite pour tenter de le persuader de nous libérer. Mais comment ? Inutile d'en appeler à son sens moral. Un individu assez abject pour nous payer en dessous du barème légal ne pouvait avoir aucune moralité. En revanche, je pouvais essayer de le raisonner, de lui expliquer que son intérêt n'était pas de nous garder enfermés. Je pouvais aussi le menacer, lui faire peur, et si ça ne marchait pas, il me restait toujours la possibilité de chercher à l'attendrir. Même si c'était un monstre, il devait bien avoir une corde sensible, il me suffisait de la trouver. Ou plutôt non, mieux valait procéder dans l'ordre: si je voulais l'émouvoir, je n'avais pas intérêt à le menacer d'abord. Je me proposais donc de commencer par une démonstration imparable de l'erreur qu'il était en train de commettre. S'il restait sourd à la voix de la raison, j'essaierais de le prendre par les sentiments. Et si la pitié n'avait pas de prise sur lui, il cèderait par crainte des représailles auxquelles il s'exposait. Je le ferais trembler de terreur...
(à suivre)